Se connecter
Appel à articles, vol.23 n1 - Technologie et écologie : perspectives croisées, critiques et nouvelles articulations

Appel à articles. Technologie et écologie : perspectives croisées, critiques et nouvelles articulations

 

Les étudiantes et étudiants de 2e et de 3e cycles, ainsi que les jeunes chercheures et chercheurs sont invitées et invités à soumettre un texte pour le prochain numéro thématique de COMMposite (Vol. 23, n. 1) intitulé « Technologie et écologie : perspectives croisées, critiques et nouvelles articulations ». La revue accepte les articles originaux, les notes de recherche, les entrevues et les recensions d’ouvrages reflétant la recherche francophone en communication.

Longtemps considérée comme un simple outil au service de l’intentionnalité humaine (un simple instrument), la technologie se présente aujourd’hui comme un enjeu beaucoup plus complexe alors qu’elle s’inscrit dans une problématique écologique d’échelle globale, comme en témoignent le concept d’Anthropocène (Crutzen et Stoermer, 2000; Zalasiewicz et al., 2015; Lewis & Maslin, 2015) et ses multiples néologismes dérivés (Bonneuil et Fressoz, 2016; Moore, 2016). Or, à bien des égards nous assistons aujourd’hui à un paradoxe : si c’est par le biais du déploiement aveugle de nos productions technologiques que nous avons atteint le statut de force géologique disruptive, nous tentons aujourd’hui d’en atténuer les effets négatifs par le même « solutionnisme technologique » (Morozov, 2013; Baskin, 2015). À la lueur des projets de géo-ingénierie, de terraformation ou de gestion automatisée des crises écologiques, l’innovation technologique semble s’imposer comme unique voie de sortie. Si pour certain.e.s cela doit mener à un découplage entre l’activité humaine et son impact écologique (Asafu-Adjaye et al., 2015), pour plusieurs cette logique apparaît contradictoire du fait de l’exploitation, la destruction et la pollution sur lesquelles elle repose (Neyrat, 2016; Crawford, 2021; Pitron, 2021), alimentant bien souvent une accélération des crises écologiques qu’il s’agit de freiner. Il apparaît ainsi pertinent de tenter de repenser le rapport entre technologie et écologie en dehors d’une perspective instrumentale qui souffre de sa propre myopie.

Certaines propositions en appellent à des bifurcations et des critiques culturelles majeures. Par exemple, le mouvement des « villes en transitions » (Hopkins, 2008) propose une approche communautaire et locale des technologies qui rappelle la notion de convivialité chez Ivan Illich (2014) et fait notamment écho au mouvement Low-Tech qui prône une orientation technologique en adéquation avec une économie réelle des ressources (Abrassart, Jarridge et Bourg, 2020). Dans cette optique, la technologie et l’écologie peuvent également se penser à travers la perspective de la décroissance (Abraham, 2019). L’écoféminisme propose pour sa part de faire le pont entre les inégalités de genres et les problématiques d’exploitation de la nature (Hache, 2016), ce qui s’étend notamment à leur inscription dans les technologies numériques contemporaines (Basset, Kember & O’Riordan, 2019). L’écologie décoloniale ouvre à la façon dont certains dispositifs sociotechniques s’inscrivent dans l’origine et la reproduction des logiques coloniales, lesquelles sont fondamentalement liées à l’exploitation et la destruction du vivant (Ferdinand, 2019). Ces approches nous rappellent des lectures plus sociologiques de l’évolution de la technologie. Cette dernière est toujours portée par les rapports de pouvoir qui composent les dynamiques sociales (Gilles, 1978; Winner, 1980; Pinch et Bijker, 1984; Feenberg, 2014), par les représentations symboliques qui en infusent les usages (de Certeau, 1990, 1994) et par l’enchevêtrement de multiples agents humains et non humains (Akrich, Callon et Latour, 2006).

À un niveau plus épistémologique, plusieurs travaux mettent en doute le statut même des notions et concepts qui fondent l’étude de la technologie et de l’écologie. La philosophie du 20ième siècle a notamment mis à jour le statut ontologique de la technique (Heidegger, 1980; Simondon 2012; Ellul, 2012). Loin d’être un simple outil, elle possède une agentivité et cadre notre expérience du monde, et donc également notre rapport à l’environnement. Pour d’autres, elle agit plutôt comme une condition prothétique fondamentale de l’être humain, ouvrant à une perspective post-humaine qui interroge les dualismes issus de la modernité (Haraway, 2007; Braidotti. 2013; Stiegler 2018). Le point de rupture entre l’humain et son environnement, entre les notions de nature et culture, de technique et de société se fait de plus en plus flou. Dans cet ordre d’idée, le récent courant du « nouveau matérialisme » (Latour, 2007, 2017; Bennett, 2010; Harman, 2018; Parrika, 2010) tente d’articuler cette problématique en nivelant la différence entre humains et non humains. Au sein de la pensée écologique, ces courants font notamment écho aux approches inspirées de l’écologie profonde qui partagent cette critique de l’anthropocentrisme moderne (Morton, 2019). Ces courants se heurtent toutefois à une critique relevant leur incapacité à répondre aux exigences sociopolitiques de l’Anthropocène en raison du constructivisme radical qu’ils défendent (Neyrat, 2017; Hayles, 2017; Malm, 2018; Andrejevic, 2019; Flisfeder, 2021).

Ainsi, si la tâche d’une rencontre fructueuse entre technologie et écologie se présente aujourd’hui comme une nécessité, elle est en partie bien outillée, mais encore toute à faire. Le prochain numéro de COMMposite invite ainsi les jeunes chercheures et chercheurs à contribuer à la littérature scientifique francophone sur le rapport entre technologie et écologie dans un sens large et au moyen de méthodologies variées. Parmi les thèmes encouragés, soulignons de manière non exhaustive :

  • · L’analyse critique de courants théoriques actuels en lien avec la technologie ou l’écologie (post-phénoménologie, accélérationnisme, nouveau matérialisme, écoféminisme, décolonialisme, etc.).
  • · La médiation de certaines technologies contemporaines (réseaux sociaux, intelligence artificielle, automatisation, cryptomonnaie, reconnaissance faciale, villes intelligentes, etc.).
  • · L’analyse critique de grands projets de modernisation technologiques (géo-ingénierie, terraformation, gestion numérique automatisée, etc.).
  • · Présentation de modèles alternatifs de mobilisation de la technologie dans une visée écologique (perspectives slow-tech; alternatives au GAFAM; villes en transitions; agriculture locale non mécanisée ou à mécanisation légère, etc.).
  • · L’imaginaire et la rhétorique des idéologies dominantes en termes de technologies ou d’écologie.
  • · Des projets citoyens liant l’utilisation ou la critique de la technologie et la sensibilisation environnementale et sociale.

Le mandat de COMMposite étant de permettre aux chercheures et chercheurs de la relève de faire l’expérience d’un premier processus de publication, seulement les étudiantes et les étudiants des cycles supérieurs (maitrise et doctorat) ainsi que les chercheures et chercheurs en début de carrière (moins de deux ans depuis la soutenance de la thèse de doctorat) sont invitées et invités à soumettre leurs textes.

La date limite de soumission sur le site Internet de la revue est le 31 août 2022.

 

Politiques éditoriales

Les politiques éditoriales, les directives et les règles de mises en page à respecter avant soumission sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.commposite.org/index.php/revue/about/submissions#authorGuidelines

Nous invitons les personnes souhaitant proposer des articles pour Commposite à consulter le guide de féminisation et à s’y conformer : https://geracii.uqam.ca/wpcontent/uploads/sites/33/2018/07/Guide-de-feminisation-et-de-francisation-destextes_COMMposite.pdf

 

Bibliographie

Abraham, Y-M. (2019). Guérrir du mal de l’infini : Produire moins partager plus, décider ensemble, Montréal : Écosociété.

Abrassart, C., Jarridge, F. et Bourg, D. (2020). Introduction : Low-Tech et enjeux écologiques – quels potentiels pour affronter les crises?, La Pensée écologique, vol. 5, no.1.

Andrejevic, M. (2019). Automated media, London : Routledge.

Akrich, M., Callon, M. et Latour, B. (2006). Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris : Presses des Mines.

Basset, C., Kember, S. & O’Riordan, K. (2020). Furious. Technological Feminism and Digital Futures, London: Pluto Press.

Baskin, J. (2015). Paradigm dressed as an epoch : The ideology of the Anthropocene, Environmental Values, 24(1), p.9-29.

Bennet, J. (2010). Vibrant matter : A political ecology of things, Durham and London : Duke University Press.

Bonneuil, C. et Fressoz, J. (2016). L’évènement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris : Seuil.

de Certeau, M. (1990). L’invention du quotidien T.1. Arts de faire, Paris : Gallimard.

de Certeau, M. (1994). L’invention du quotidien T. 2. Habiter, cuisiner, Paris : Gallimard.

Crawford, K. (2021). Atlas of AI, New Haven : Yale University Press.

Crutzen, P. J. & Stoermer, E. F. (2000). « The Anthropocene », Global Change Newsletter, 41, 17-18.

Ellul, J. (2012). Le système technicien, Paris : Cherche-Midi.

Feenberg, A. (2014). Pour une théorie critique de la technique, Montréal : Lux.

Ferdinand, M. (2019). Une écologie décoloniale, Paris : Seuil.

Flisfeder, M. (2021). Algorithmic desire : Toward a new structuralist theory of social media, Evanston : Northwestern University Press

Gille, B. (1978). Histoire des techniques, Paris : Gallimard.

Haraway, D. J. (2007) Manifeste cyborg et autres essais : sciences, fictions, féminismes, Paris : Exils.

Haraway, D. J. (2016). Staying with the trouble : Making kin in the Chthulucene, Durham : Duke Univeristy Press.

Harman, G. (2018). Object-oriented ontology. A new theory of everything, London : Pelican Books.

Hayles, N. K. (2017). Untought : The power of the cognitive nonconscious, Chicago: Chicago University Press.

 

Heidegger, M. (1980). Essais et conférences, Paris : Gallimard.

Hopkins, R. (2010). Manuel de transition : De la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal : Écosociété.

Idhe, D. (1998). Philosophy of technology : An introduction, London : Paragon House.

Illich, I. (2014). La convivialité, Paris : Seuil.

Latour, B. (2007). Changer de société, refaire de la sociologie, Paris : Gallimard.

Lewis, S. L. & Maslin, M.A. (2015). Defining the Anthropocene, Nature, 519 (7542), 171-180.

Malm, A. (2018). The progress of this storm : Nature and society in a warming world, London : Verso.

Moore, J. W. (ed) (2016). Anthropocene or Capitalocene? Nature, history, and the crisis of capitalism, Oakland : PM Press.

Morozov, E. (2013). Pour tout résoudre, cliquez ici : l’aberration du solutionnisme technologique, Limoges : FYP.

Morton T. (2019). La pensée écologique, Paris : Zulma.

Neyrat, F. (2016). La part inconstructible de la terre. Critique du géo-constructivisme, Paris : Seuil.

Parikka, J. (2010). Insect media. An archeology of animal and technology, Minneapolis : University of Minnesota Press.

Pinch, T. J. & Bijker, W. (1984). The social construction of facts and artefacts : or how the sociology of science and the sociology of technology might benefit each other, Social Studies of Science, 14, 399-441.

 

Pitron, G. (2021). L’enfer numérique : Voyage au bout d’un like, Paris : Les liens qui libèrent.

Simondon, G. (2012). Du mode d’existence des objets techniques, Paris : Aubier.

Stiegler, B. (2018). La technique et le temps, Paris : Fayard.

Verbeek, P.P. (2004). What things do : Philosophicals reflections on technology, agency, and design, University Park : Penn State University Press.

Winner, L. (1980). Do artefacts have politics?, Daedalus, 109(1), 121-136.

 

Zalasiewicz et al. (2015). When did the Anthropocene being? A mid-twentieth century boundary level is stratigraphically optimal, Quaternary International, 383, 196-203.

 

 

 




Les Éditions électroniques COMMposite. ISSN : 1206-9256. Les textes sont la propriété de leurs auteurs respectifs.